Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
cavargini.over-blog.com

Un peu de tout sur pas grand chose

Je ne suis pas pour

Publié le 17 Avril 2015 par Michel Cavargini in Réflexions

Le meurtre de la petite Chloé cette semaine à Calais a relancé une énième fois le débat sur la peine de mort en France. Abolie en 1981 par François Mitterrand à peine élu Président de la République, contre l'avis d'une majorité de Français, la peine capitale demeure un sujet vivace surtout à l'occasion d'un fait divers aussi tragique.  


J'avais à peine 8 ans quand a été abolie la peine de mort en France. Cependant, bien des années après, je faisais encore partie de ces Français, longtemps majoritaires, qui étaient favorables à son rétablissement et qui ne comprenaient pas cette obstination qui avait mené l'illustre avocat - puis Garde des Sceaux - Robert Badinter à tout mettre en oeuvre pour l'abolir.

Pour moi, le meurtrier d'un enfant ou d'une personne âgée, l'assassin sans scrupule d'un innocent, celui qui se rendait coupable d'un crime atroce, ne pouvait s'en tirer sans que sa tête ne roule à terre après le passage de la lame aiguisée de la guillotine. Je ne pouvais imaginer qu'un tel monstre puisse passer quelques années en prison pour en sortir un jour et respirer à l'air libre l'oxygène qu'il avait à tout jamais ôté des poumons de sa victime.

Comment, en effet, avoir de la compassion pour celui qui peut tuer de ses propres mains un enfant et anéantir la vie d'une famille ? Quelles peuvent bien être les circonstances atténuantes qui vont venir à son secours ? Toutes les explications du monde, tous les discours portant sur une éventuelle enfance malheureuse, sa vie tragique ou sa grande faiblesse psychologique n'y peuvent rien : il ne mérite nul apitoiement et seule une sentence implacable sera de nature à rendre justice.

Cependant, aujourd'hui, après avoir beaucoup lu et réfléchi sur cette question, et si en tant qu'individu, je comprends la loi du talion qui n'est au fond qu'un cri du coeur, qu'une réponse compréhensible, comme citoyen, je ne souhaite pas le rétablissement de la peine de mort.

Cela fait quelques années maintenant que ma conviction en ce domaine, a évolué pour en arriver aujourd'hui à croire que son abolition est consubstantielle à l'idée même que nous pouvons nous faire de la Justice et de l'Etat de Droit.

D'une part, il a été prouvé, sans discussion possible, que la peine de mort n'a jamais été un rampart contre les crimes odieux : elle n'est pas dissuasive. Voilà déjà l'argument le plus fort en faveur de son rétablissement qui ne tient plus. En effet, si elle était dissuasive, nous pourrions être tentés de la réintroduire dans l'arsenal judiciaire et l'appliquer de temps à autre pour l'exemple. Mais son application dans bien des pays et notamment aux Etats-Unis nous montre bien que l'effet dissuasif est nul.

D'autre part, certaines erreurs commises par l'institution judiciaire sont ici sans appel. Un condamné à mort, une fois que sa tête aura été coupée, et si jamais sa culpabilité venait à être remise en cause par de nouveaux éléments de l'enquête ne pourra jamais être réhabilité. On peut toujours remettre en liberté un homme 20 ans après son incarcération (malgré tout ce qui ne lui sera jamais rendu), mais on ne recollera jamais une tête sur un corps sans vie.

Enfin, et c'est le coeur même de ma réflexion, une société démocratique basée sur l'Etat de Droit, au sens propre et philosophique de ce que signifie cette expression, ne peut, selon moi, condamner à mort une personne pour quelque crime odieux et abominable que ce soit. Tuer un homme n'est pas la solution et revient à ajouter du sang au sang déjà versé. Ce sang qui viendra couler au pied du bourreau ne sera jamais que le sang d'un homme ; or, notre société en déclarant le caractère sacré de la vie, ne peut vouloir verser ce sang. Il en va de la nature même de notre société.

Alors bien sûr, on me rétorquera qu'à défaut d'être dissuasif, la grande qualité de la peine de mort est de régler définitivement le sort d'une personne qui ne mérite plus de vivre au sein de notre société parce que trop dangereuse pour nous tous. C'est bien pour cela que je suis pour l'incompressibilité de la réclusion à perpétuité. S'il n'est pas admissible que notre société condamne à mort, il n'est pas non plus admissible qu'un certain laxisme permette à des assassins de sortir de prison après une peine de 30 ans. Je n'admets pas qu'un homme de 25 ans ayant violé et tué un enfant puisse sortir un jour de prison et reprenne une vie normale à la cinquantaine.

J'ai la faiblesse de croire que si notre société ne peut donner la mort, elle se doit d'être intraitable dans certaines situations. La perpétuité doit être réelle et le condamné doit purger jusqu'à la fin de ses jours cette peine entre quatre murs. Cette position heurtera sans doute celles et ceux qui croient profondément à la rédemption ou encore à la guérison sincère de ceux qui se sont rendus coupables. Un homme peut-il changer ? Oui, sans doute... Mais faut-il pardonner ? La question demeure ouverte.

 

En conclusion de ces quelques lignes (qui proviennent pour beaucoup d'un ancien article que j'avais rédigé à l'époque de la diffusion d'un téléfilm sur Robert Badinter), je rappellerai simplement que deux éléments devraient aujourd'hui retenir l'attention dans l'analyse de ce crime odieux : 

- Le coupable (puisqu'il a reconnu les faits) avait été condamné à de la prison ferme jusqu'en 2016... Or, une nouvelle fois, et au mépris de la sécurité même de nos concitoyens, sa peine n'aura pas été purgée. 

- Cette personne de nationalité polonaise avait même été interdite de séjour sur le territoire national. Mais comment voulez-vous contrôler une telle interdiction puisque nous n'avons plus de frontières et donc aucun moyen de contrôle efficace ? 

Ainsi, ce n'est pas tant la peine de mort qui aurait sauvé la pauvre petite Chloé mais en l'occurrence une Justice moins laxiste et des contrôles à nos frontières.

Voilà une réelle urgence pour assurer une sécurité réelle aux Français !

Un dernier mot pour les grandes et belles âmes qui vont me reprocher de me servir d'un tel drame pour critiquer le laxisme judiciaire qui prévaut depuis des années et les accords de Schengen qui nous privent de nos frontières : ce sont malheureusement de telles tragédies qui doivent ouvrir les yeux de tous. Nous les avons fermés depuis trop longtemps. Il n'y a là aucune exploitation macabre. Simplement la volonté affirmée de tout mettre en oeuvre pour réduire la probabilité d'une nouvelle Chloé.

Commenter cet article