Dans 15 milliards d'années

Imaginons un instant l'avenir. Non pas l'avenir proche, celui que nous aurons peut-être l'occasion de vivre. Non pas celui que vivront nos descendants dans 50, 500 ou 5000 ans. Soyons plus ambitieux encore et visons plus loin. Imaginons un instant l'avenir dans quelques milliards d'années.

Je sais bien que cela est difficile. J'entends déjà les commentaires sarcastiques : "Nous avons déjà bien du mal à imaginer ce que sera notre monde dans 15 ou 20 ans, comment voulez-vous que nous sachions quoi que ce soit sur ce monde dans quelques milliards d'années ?"

Et pourtant... Pourtant, en y réfléchissant quelques secondes, il est évident que cet avenir à très long terme est plus facilement imaginable que notre avenir immédiat.

Dans cinq milliards d'années environ, le soleil devrait se transformer en "géante rouge" et détruira la Terre sur laquelle, de toute façon, toute vie aura cessé d'être possible depuis bien longtemps. En effet, dans quelques centaines de millions d'années, la chaleur dégagée par notre étoile aura atteint de telles proportions qu'elle interdira toute vie sur la planète bleue... qui ne sera plus vraiment bleue d'ailleurs.

Voilà au moins une certitude : dans 5 milliards d'années, la Terre n'existera plus, pas plus que les autres planètes de notre système solaire, et le soleil sera devenu une "naine noire" après être passé par le stade de "géante rouge" puis de "naine blanche".

Plus de Terre, plus de système solaire.

Et nous, alors ? Enfin, pas vous et moi, cher lecteur, mais l'espèce humaine ! Que devient-elle ? Bon, il faut quand même savoir qu'il est très probable que l'espèce humaine n'existera plus telle qu'on la connaît aujourd'hui dans plusieurs milliers d'années. Rappelons ainsi que l'Homme n'existe tel qu'il est aujourd'hui que depuis quelques milliers d'années... Il est absolument certain que son évolution va se poursuivre. 

- Mais enfin, quelle horreur ! Qu'est ce que c'est ce monstre ?

- Votre enfant, madame.

Mais partons du postulat, idiot j'en conviens, que l'Homme demeurera Homme jusqu'au bout du bout du temps. 

Donc, soyons idiots : pas d'évolution de l'espèce humaine.

Eh bien dans ces conditions, les hommes ont intérêt d'ores et déjà à imaginer que leur avenir n'est pas sur Terre mais dans l'espace. Il nous reste quelques millions d'années pour trouver le moyen de partir de ce petit caillou perdu dans l'immensité du cosmos pour trouver un point de chute idéal.

Certains ont bien imaginé de coloniser d'autres planètes du système solaire mais cela ne servira pas à grand chose lorsque le soleil n'existera plus. Il faut donc aller plus loin. Ou se contenter de vivre dans de grands vaisseaux spatiaux. Mouais... Pas tip top comme perspective... Mais mieux que rien j'en conviens.

Enfin, le problème n'est pas que là.

Je ne voudrais pas vous miner le moral mais il faut que je vous rappelle ce que vous savez mais ne voulez pas vous répéter chaque jour en vous rasant le matin (oui, vous aussi, Madame) : c'est bien beau de prévoir de quitter notre système solaire avant qu'il ne meure... Mais dans 15 milliards d'années, c'est tout notre univers qui sera mort. Alors, là, vous conviendrez avec moi que ça nous complique singulièrement la tâche. Car autant on peut imaginer quitter notre système solaire et trouver refuge dans un autre, autant je ne vois pas trop comment on va pouvoir quitter notre univers pour se rendre ailleurs.

Et de là, la grande question existentielle du jour : tout ça pour ça ?

Oui, quoi, enfin ! Comment donc ? Alexandre le Grand, Napoléon, les pyramides, Gandhi, les jardins de Babylone, Notre Dame de Paris (mais non, pas la comédie musicale, la cathédrale !), Marylin, Voltaire, Molière, Racine, Corneille (non je vous dis, pas le chanteur !) Baudelaire, Maupassant, Socrate, Platon, Martin Luther King, Jules Cesar, Sardou (évidemment, Sardou), Hollande et Sarkozy (oups, non ça compte pas)... Tout ça pour rien ? Et Moi ? Quel gâchis !

Car donc, si on en reste à cette solution là, on se rend bien compte qu'il ne restera rien de rien de rien du tout. Aucune trace de rien. Tout sera donc perdu dans le néant absolu de l'oubli le plus profond.

Voyez-vous, lorsqu'on meurt (oui, ça arrive de temps en temps... une fois dans la vie a priori), on se dit qu'on laisse une trace. Aussi petite soit-elle. Tout le monde n'aura certes pas la chance de laisser une trace aussi grande que la mienne c'est vrai (comment ça "pas modeste" ?). Enfin, vous laisserez une trace quand même, ne soyez pas vexé. Mais il semble que cette trace ne survivra pas éternellement et qu'elle s'évanouira avec l'univers.

Voilà une perspective peu ragoûtante, n'est-il pas ? Tout le destin de tous et de tout, résumé dans un néant à venir. Si l'aventure humaine devait être une aventure de progrès comme nous le pensons depuis le début de cette odyssée, quel est le sens du mot "fin" qui sonne le glas de l'espérance ?

Comment penser le monde et l'homme en sachant que tout finit un jour. Pas seulement notre simple et banale existence mais aussi toute forme d'avenir.

Certains se raccrochent ainsi à Dieu. Parfait. La survivance serait donc là. Ou plutôt dans cet au-delà.

Et moi, puisque je n'y crois pas, je me dis simplement que c'est bien dommage de savoir que personne ne lira ce blog dans 15 milliards d'années.