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Un peu de tout sur pas grand chose

Deuxième étage... et demi

Publié le 23 Décembre 2015 par Michel Cavargini in Divagations

C'était un jour comme un autre. Faisait-il beau ou non, peu importe. Un jour de semaine sans doute puisqu'il venait au bureau comme un matin banal, sans entrain ni joie particulière. Le bon temps n'a qu'un temps et le sien était passé, révolu depuis longtemps. Il s'était fait à l'idée que chaque jour n'était qu'un éternel recommencement à ceci près qu'il continuerait évidemment à vieillir et à se rapprocher de la ligne d'arrivée.

Ce matin-là, journal à la main et clope à la bouche - ce qui était rigoureusement interdit par le règlement intérieur qu'il s'obstinait à ignorer - le voilà, attendant que l'ascenseur daigne enfin venir le récupérer au rez-de-chaussée. Une fois celui-ci arrivé, la porte coulissante l'invita à entrer dans la petite cabine éclairée d'un néon bien trop lumineux.

D'un pas lourd, le voilà qui entre puis choisit le bouton sur lequel est écrit en noir le chiffre 4, devant le mener à son bureau. Sombre et pathétique bureau qui l'accueillait : ouvert sur d'autres bureaux où semblaient travailler d'autres agents qui parlaient fort, riaient fort et lui donnaient chaque jour plus mal à la tête que la veille. Dire qu'il n'appréciait pas son environnementn'est qu'un doux euphémisme.

Perdu dans ses pensées - il en avait encore - il fut à peine surpris quand l'ascenseur stoppa net sa course et que le noir envahit la cabine. Il en vint même à espérer que cela durât toute la journée. Il éviterait ainsi de croiser toutes ces personnes qu'il ne connaissait pas et ne voulait d'ailleurs pas connaître. Des années à les côtoyer et des années d'indifférence réciproque. non pas qu'il ne les appréciait pas. Il ne savait pas qui elles étaient et il en avait fini des efforts pour faire ami/ami avec ses voisins de bureau.

Coincé entre les deuxième et troisième étages, il appuya quand même sur le bouton, d'alarme, plus par réflexe qu'autre chose. Mais rien ne se passa malgré deux ou trois autres tentatives. De longues minutes passèrent avant qu'il entende finalement une voix lui demandant si tout allait bien. Oui, évidemment que tout allait bien. On lui précisa que le nécessaire allait être rapidement fait pour le sortir de là mais voulait-il réellement sortir ?

Après un certain temps à attendre sans rien faire, il voulut alors tenter d'ouvrir la porte pour voir s'il n'y avait pas un moyen de s'extirper de la cabine de façon bravache. Cela pourrait avoir de l'allure. Il tira donc, vit que la porte coulissait, tira encore plus fort, ouvrit totalement et le voilà face à un mur blanc. Il n'y avait donc rien à faire d'autre qu'attendre. La voix de tout à l'heure lui dit que c'était sans doute l'affaire de trente minutes tout au plus. Il s'assit et ferma les yeux sans même répondre.

Une secousse. Ouvrir les yeux. Se tenir sur ses gardes. Les câbles de l'ascenseur n'allaient quand même lâcher et faire tomber la cabine de plusieurs mètres. Finir dans les faits divers du quotidien local ne l'enchantait guère. Il fut debout en deux secondes et comprit que la cabine était effectivement descendue de quelques crans car il vit une ouverture d'environ quatre-vingts centimètres à ses pieds.

Finalement, il était peut-être prudent de sortir avant de voir si les câbles allaient ou non tenir. Il suffisait de se laisser glisser et d'atterrir à l'étage en contrebas. En même temps, il fallait espérer que la cabine ne reparte pas au moment où il se laisserait glisser. Finir dans les faits divers du quotidien local était une chose, finir broyé par un ascenseur en était une autre et il n'avait pas l'intention de tenter l'expérience.

Il fallait faire vite.

Et c'est ainsi qu'il jeta un coup d’œil par l'ouverture, essayant de voir si un collègue quelconque ne passait pas par là. Rien ni personne. Il devait donc bien s'agir du deuxième étage, celui des salles de réunions. Pas étonnant qu'il fût vide à cet instant de la journée. Finalement décidé à bouger, il s'assit, passa les jambes et se laissa glisser en se retournant pour faire face à la cabine qui avait la bonne idée de ne pas bouger. Accroché par les mains, il évalua le sol à moins d'un mètre et lâcha prise, tombant non pas sur ses pieds comme il l'avait espéré mais effectuant une roulade non maîtrisée sur une moquette rouge et heureusement assez épaisse.

N'étant jamais convié à aucune réunion, il se sentit en terre étrangère à cet étage jamais fréquenté. Après avoir regardé autour de lui, il chercha la porte menant aux escaliers qui devait normalement se trouver juste à côté de l'ascenseur. Elle n'y était pas. Cette absence de porte l'étonna mais il n'en fit pas grand cas et poursuivit son exploration pour trouver un moyen de monter jusqu'à son étage, ou mieux, de redescendre au rez-de-chaussée pour aller prendre un café.

Ce qu'il ignorait alors mais n'allait pas tarder à découvrir c'est qu'il venait de pénétrer dans un monde étrange et inconnu. Un monde aussi merveilleux que terrifiant. Le monde du deuxième étage et demi.

 

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